Dans l'univers compétitif des start-ups et du capital-risque, la rédaction d'un business plan financier (BP) est d’une importance capitale, et ce bien avant les phases de due diligence. Ce document, loin d'être une simple formalité, doit être le fruit d'une réflexion stratégique minutieuse menée par les fondateurs. Pour optimiser les chances de réussite lors d'une levée de fonds, il est impératif que ce travail préparatoire implique non seulement les fondateurs mais également leurs employés clés et leur board.
Un Business Plan bien élaboré devient ainsi un outil indispensable, non seulement pour structurer la vision de l'entreprise, mais aussi pour anticiper et répondre efficacement aux questions des investisseurs durant les due diligences.
C'est dans ce contexte que le business plan financier s'établit comme le point de repère indéfectible pour les entrepreneurs et les investisseurs, condition sine qua non pour sécuriser les financements nécessaires à la croissance et à l'innovation.
Alors comment le construire pour qu'il soit non seulement solide, mais aussi convaincant ? Chez 2CFinance, nous avons accompagné des centaines d'entreprises dans l’élaboration de leur “BP”. Issus de notre expérience, voici les éléments clés.
Qu'est-ce qu'un business plan ?
Qu’est-ce qu’un Business Plan Financier : au-delà des chiffres
Un business plan financier, comme le souligne Paul Coyette, consultant chez 2CFinance, "ne se contente pas de réduire la vision d'un entrepreneur en chiffres. Il guide les décisions financières vers la réussite et transforme les objectifs en actions concrètes. C’est le GPS qui vous permet de passer de l’idée à l’entreprise prospère.”
Business Plan Financier vs. Budget : une clarification nécessaire pour ces outils complémentaires
Les entrepreneurs mélangent souvent budget et business plan financier. Ce sont pourtant deux outils distincts et complémentaires, dont 3 paramètres principaux diffèrent.
L'horizon
Un budget regarde à court terme, souvent l'année à venir. En revanche, un business plan financier fixe la vision à long terme, généralement sur 3 à 5 ans. Avec une prévision de cette durée, les marchés peuvent évoluer, les lois peuvent changer, les concurrents peuvent modifier leur positionnement, il va donc falloir prévoir de s’adapter.
La granularité
Le budget est plus détaillé que le business plan financier.
Dans le budget l’ensemble des coûts et revenus sont définis dans le détail - par exemple les coût salariaux sont détaillés entre rémunération brute, cotisations patronales type URSSAF, coût de la formation, taxes sur les salaires, etc - tandis que le business plan financier place les choses dans une perspective macro - sur le même exemple, le business plan comportera un coût global chargé des salaires.
L’utilisation
Le budget, principalement axé sur une gestion opérationnelle interne, est mis à jour régulièrement, au moins une fois par mois, en réponse aux performances actuelles de l'entreprise. En revanche, le business plan financier (BP) adopte une perspective beaucoup plus large, articulant clairement la stratégie à long terme de l'entreprise, telle que le lancement de nouveaux produits, l'expansion à l'international, et d'autres initiatives stratégiques. De par sa nature, le BP dépasse largement les fonctions traditionnelles du budget.
En effet, le business plan financier est un outil polyvalent et essentiel qui soutient l'entreprise dans une multitude de scénarios cruciaux : depuis la définition du business model, les levées de fonds en equity, les financements bancaires, les demandes de subventions, jusqu'aux pivots de business model, la négociation de partenariats stratégiques comme les joint-ventures, ou encore lors de phases de croissance telles que le développement de nouveaux canaux de distribution ou l'internationalisation. Le BP est également indispensable dans les opérations de fusion-acquisition, la gestion de la trésorerie et lors des procédures de conciliation.
Le business plan financier est donc bien plus qu’un simple document de levée de fonds. Il sert de fondement à la réflexion stratégique, partagée entre les fondateurs et discutée avec le conseil d'administration, les nouveaux investisseurs, les prêteurs et les organismes subventionnaires. Le BP offre une vision claire et structurée, permettant de naviguer à travers les divers aspects stratégiques et opérationnels de l'entreprise.
En parallèle, le budget reste un outil interne fondamental, servant à responsabiliser les équipes et à piloter au quotidien l'activité de l'entreprise. Chacun de ces instruments, le budget et le business plan financier, joue un rôle complémentaire mais distinct, essentiel à la bonne gouvernance et à la réussite de l'entreprise.
Le Public Cible : Une Variable Cruciale
Inès Haddad, membre de notre équipe, note que "avant de vous lancer dans la rédaction, il est fondamental de déterminer à qui est destiné ce business plan. Un plan pour un investisseur n’est pas le même que pour une banque ou un éventuel acquéreur. Les KPIs que nous présentons, la granularité et la projection que nous faisons est différente selon l’opération envisagée et le public visé. Par exemple, une banque a besoin de KPIs bilanciels tels que les capitaux propres et le niveau de dette, tandis qu’un investisseur va plus se pencher sur la croissance du CA, le niveau de marge et la traction du marché”.
Attention cependant à certains écueils ! Anthony Barbey, responsable du département Business Plan chez 2CFinance, déclare “Il est souvent tentant de repartir d’un BP existant pour construire son propre Business Plan. Dans 99% des cas, c’est une très mauvaise idée. En faisant cela, l’entrepreneur se contraint dans ses possibilités, en calquant son système de pensée sur une celui d’une autre entreprise: canaux d’acquisition, sources de revenus, structure de charges, sources de financement, ambitions de résultat. Chaque société est unique et c’est aussi valable pour son business plan. ”. Il ajoute que se servir du business plan élaboré lors d'une phase de Seed pour préparer une levée de fonds de Série A s'avère également souvent contre-productif. Il est préférable de repartir de zéro afin de réévaluer et d'adapter la stratégie aux nouvelles réalités et objectifs de l'entreprise, assurant ainsi une approche plus personnalisée et efficace.
Quels sont les éléments clés à ne pas oublier ?
Un bon business plan est un business plan bien structuré. En voici les éléments essentiels :
Les hypothèses
Les hypothèses constituent les fondations de votre plan financier. "Elles doivent être enracinées dans la réalité de votre secteur et être suffisamment flexibles pour s'adapter à des conditions changeantes", souligne Romain Farsat. Il est crucial que ces hypothèses soient clairement identifiées, souvent par une couleur distincte, afin de faciliter leur modification au besoin. Cette approche permet une gestion dynamique et réactive du business plan, essentielle dans un environnement aussi incertain que celui des startups, où les marchés peuvent être non seulement volatils mais parfois inexistants.
Le business plan doit offrir la flexibilité nécessaire pour s'ajuster rapidement en cas de changement des hypothèses initiales. La certitude dans ce domaine est que les hypothèses nécessiteront des mises à jour régulières pour rester pertinentes. En outre, il est judicieux de préparer différents jeux d’hypothèses, ou scénarios, qui permettent d'explorer diverses trajectoires futures de l'entreprise. Selon l'audience du business plan – que ce soit les fondateurs, un investisseur en capital ou un prêteur bancaire – le scénario pertinent à analyser peut varier.
Un aspect essentiel est la conduite de "stress tests" pour évaluer la résilience de l'entreprise dans des situations défavorables. Enfin, l'un des défis majeurs lors du lancement d'une activité est l'établissement d'hypothèses en l'absence de données de marché existantes. Il est donc nécessaire de faire des choix prudents et de les ajuster progressivement en fonction de l'évolution du marché et de la stratégie de l'entreprise.
Le P&L
Le compte de résultat, ou P&L (Profit and Loss Statement), représente une synthèse des flux financiers de votre entreprise sur une période donnée, généralement une année. Ce document détaille le chiffre d'affaires, les coûts, et le résultat net, et devrait, selon Romain, "être une donnée de sortie, tous les calculs devant être réalisés dans des onglets séparés pour une gestion optimisée".
La partie haute du P&L, souvent désignée comme la "topline", illustre le chiffre d'affaires de l'entreprise ainsi que les coûts directs associés, tels que les COGS (Cost of Goods Sold) ou COS (Cost of Service). Ces éléments combinés définissent la marge commerciale, ou marge brute, qui indique ce que l'entreprise gagne par produit ou service vendu.
Dans la partie basse du P&L, vous trouverez les coûts indirects, qui incluent les dépenses administratives, le développement du produit, et d'autres frais généraux. Ces coûts regroupent à la fois les dépenses de personnel et les coûts de fonctionnement. Par exemple, un salarié en charge des ressources humaines représente un coût de personnel administratif, tandis que la promotion payante d’une offre d’emploi sur LinkedIn constitue un coût de fonctionnement administratif.
Une fois les revenus et les charges établis, il est possible de calculer des ratios financiers clés comme l'Excédent Brut d'Exploitation (EBITDA), le résultat d'exploitation (EBIT) et le Résultat Net. Dans le contexte actuel, il est de plus en plus fréquent que les startups soient poussées vers la rentabilité, ou du moins qu'elles aient un objectif de rentabilité clairement défini dans leur business plan. Contrairement au bilan qui est souvent décrit comme une "photographie" de la situation financière à un instant T, le P&L retrace l'évolution financière sur une période déterminée.
Le Cash Flow
Le cash flow, ou flux de trésorerie, représente les mouvements de cash entrants et sortants au sein de l'entreprise. "Pensez au cash flow comme à votre pouls financier. Si le pouls s'arrête, tout s'arrête", explique Inès. Ce concept est essentiel pour comprendre la santé financière d'une entreprise.
Il existe deux méthodes principales pour calculer le cash flow : le cash-flow direct et le cash-flow indirect. Le choix entre ces deux méthodes dépend souvent de la complexité de l'entreprise et des préférences de gestion :
- Le Cash-flow direct reprend l’ensemble des produits et charges du P&L et les ajuste pour refléter la réalité de l’activité.
- Le Cash-flow indirect commence par l’EBITDA pour calculer les différents flux de trésorerie : opérationnels (Operating Cash Flow), d'investissement (Investing Cash Flow) et de financement (Financing Cash Flow).
Un flux de trésorerie positif permet à l'entreprise de régler ses dettes et de fonctionner normalement, tandis qu'un flux négatif signifie qu'elle ne peut pas couvrir ses coûts opérationnels. Les banques examinent attentivement le tableau de flux de trésorerie pour évaluer la capacité de l'entreprise à rembourser ses dettes, en particulier en cas de demande de prêt.
Au-delà de l'aspect technique, la gestion de la trésorerie est actuellement un focus majeur pour de nombreuses entreprises. Le cash flow aide à déterminer le "cash burn" (combien l'entreprise consomme de cash chaque mois), le "runway" (combien de temps elle peut continuer à ce rythme) et les besoins de financement. Ces indicateurs sont cruciaux car ils permettent de savoir combien de temps l'entreprise peut opérer avec ses ressources actuelles.
Il est recommandé de maintenir un runway d'au moins six mois ; en dessous, le fondateur se trouve en position de faiblesse. Il est donc essentiel de planifier les levées de fonds bien avant que le runway ne tombe en dessous de cette limite critique. Dans les situations où la trésorerie diminue rapidement sans augmentation de valeur significative de l'entreprise, un "bridge" peut être envisagé. Ce dernier est une sorte de levée de fonds intermédiaire et moins formelle, souvent auprès des actionnaires actuels, pour pallier un besoin immédiat de liquidités ou préparer une future levée plus substantielle.
Le Bilan
Le bilan est souvent négligé dans les projections financières, bien qu'il constitue un élément essentiel, particulièrement suivi par les organismes de crédit et de subventions tels que la BPI. Il représente une photographie de la société à un instant donné, comprenant l’ensemble de ses actifs (incluant par exemple le cash) et ses passifs. Projeter un bilan est un gage de qualité pour un business plan et répond à plusieurs questions clés :
- Quels sont les actifs nécessaires au fonctionnement de mon activité et à sa croissance (tels que les investissements, les stocks éventuels…) ?
- Quel est mon niveau de dette actuel et futur, et quels montants nécessiteront des remboursements ?
- Ai-je des capitaux propres positifs, un critère essentiel pour de nombreux organismes de crédit ?
- Mes projections sont-elles cohérentes, étant donné que les actifs doivent toujours égaler les passifs ?
Le bilan est également crucial pour mesurer le Besoin en Fonds de Roulement (BFR), c’est-à-dire le décalage temporel entre le paiement des charges et l’encaissement des revenus. Prendre en compte le BFR est indispensable pour éviter toute impasse de trésorerie.
Calculs et restitutions claires (KPIs, tableau de bord)
Le tableau de bord joue un rôle essentiel dans un business plan en fournissant une vue d’ensemble claire et concise des principaux KPIs. Ce dernier doit permettre aux gestionnaires et aux investisseurs de comprendre rapidement la performance de l’entreprise. C’est un outil de communication fort qui met en évidence les points d’attention.
Exemple Dashboard
Les KPIs suivis sont spécifiques à chaque secteur d’activité, stade de développement de la société, contexte et business model. Voici à titre d’exemple quelques KPIs usuels que l’on peut retrouver :
- Les soldes intermédiaires de gestion :
La marge brute, marge contributive, EBITDA, EBIT, ou résultat net sont toujours pertinents car nous permettent d’évaluer la rentabilité de l’entreprise et d’analyser sa performance opérationnelle.
- Le CAC :
Le coût d’acquisition client mesure le coût moyen pour acquérir un nouveau client. Il est essentiel pour évaluer l'efficacité des stratégies marketing et de vente.
- L’ARR :
L’Annual Recurring Revenue, caractéristique des business model SaaS, mesure la stabilité financière de l'entreprise en indiquant le montant total des engagements clients sur les 12 prochains mois, permettant ainsi de prévoir les revenus futurs et d’améliorer la gestion de la trésorerie.
- L’ARPU :
L’Average Revenue Per Unit ou revenu moyen par utilisateur, permet de mesurer la performance financière de l'entreprise en calculant le revenu moyen qu'elle génère par utilisateur et offre donc une vue d’ensemble de la rentabilité de chaque client.
- La LTV :
Life Time Value mesure la valeur financière totale qu'un client apporte à l'entreprise sur toute sa durée de vie ce qui permet de guider la stratégie de l’entreprise
Exemples de KPIs (illustratif et non exhaustif)
Attention cependant à ce que le tableau de bord ne soit pas surchargé. Chaque KPI doit être soigneusement choisi afin d’éclairer la prise de décision.
Checks et contrôle de cohérence
Les checks sont la clé vers la fiabilisation du Business Plan. Ils peuvent être au niveau des calculs mais également au niveau de la cohérence générale du fichier.
Quelques exemples de contrôles de cohérence :
- Vérifier que la somme du mensuel corresponde bien à l’annuel
- Vérifier que les résultats de plusieurs méthodes de calculs utilisés sont bien égaux
- S’il existe, vérifier que le bilan est équilibré
Scénarios et test de sensibilité
Face à des marchés qui fluctuent, à des coûts qui augmentent et à des concurrents qui se multiplient, il est important d’explorer tous les scénarios.
Inès, notre spécialiste en modélisation financière, insiste sur le fait que “l'analyse de sensibilité n'est pas un exercice théorique. Elle permet de prévoir plusieurs scénarios – optimiste, réaliste, et pessimiste – et de se préparer en conséquence. C'est comme un jeu de simulation pour votre entreprise, vous permettant de voir comment les variables influencent votre rentabilité et vos flux de trésorerie.”
L'analyse de sensibilité teste la résilience de votre entreprise face aux imprévus. En changeant une ou plusieurs variables (comme le taux de croissance des revenus ou le coût des matières premières), vous pouvez observer les impacts potentiels sur vos marges, vos flux de trésorerie et votre rentabilité.
Ressources nécessaires
Un business plan financier complet va au-delà des simples chiffres et tableaux. Il devrait intégrer un inventaire précis des ressources indispensables à la mise en œuvre de votre plan, incluant les talents, les technologies, et les infrastructures nécessaires.
"Ne sous-estimez jamais le coût du talent. Une équipe solide peut faire toute la différence, surtout dans une startup où la flexibilité et la rapidité d'adaptation sont cruciales", souligne Paul.
Les ressources nécessaires pourraient inclure :
- Talents : Quelles compétences spécifiques sont requises et à quel moment du développement de l'entreprise ?
- Technologies : Quels outils ou plateformes technologiques sont essentiels pour atteindre vos objectifs stratégiques ?
- Capital : Quel montant d'investissement initial est nécessaire pour démarrer l'activité ?
- Matériel et fournitures : De quels équipements ou matériaux avez-vous besoin pour produire votre produit ou fournir votre service ?
Il est également utile de transformer cette section en une discussion sur l’Utilisation des fonds. Cette approche est couramment utilisée dans les business plans pour détailler comment les fonds levés seront alloués. Expliquer clairement l'utilisation des fonds non seulement justifie le montant de l'investissement demandé, mais démontre aussi comment chaque euro contribuera à la croissance et à la stabilité de l'entreprise. Cette clarification est cruciale pour les investisseurs, car elle leur permet de comprendre où leur argent sera investi et comment il aidera l'entreprise à atteindre ses objectifs.
Documentation et Présentation
Une fois que tous les éléments sont en place, il faut présenter votre business plan financier de manière professionnelle. "Un business plan bien documenté est comme une carte de visite. Il peut non seulement attirer des investisseurs, mais aussi des talents et des partenaires," affirme Inès.
Cela implique :
- Structuration : Le plan doit être logique et suivre un déroulé intuitif.
- Clarté : Évitez le jargon ou les termes trop techniques sans explication.
- Esthétique : Le plan doit être visuellement agréable, bien espacé et lisible.
Pour conclure
En résumé, votre business plan financier n'est pas seulement un ticket d'entrée pour un financement. C'est le cœur de votre stratégie d'entreprise, un document qui matérialise vos ambitions en réalités mesurables et pilotables. Ce n'est pas un document statique mais un outil dynamique de gestion qui doit évoluer avec le temps.
"Au fil des années, nous avons développé une méthodologie qui permet non seulement d'élaborer des business plans financiers robustes mais aussi de les ajuster en temps réel en fonction de la dynamique du marché," déclare Anthony.
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N’hésitez pas à contacter l’équipe BP de 2CFinance.